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Les violences invisibles ordinaires

  • Photo du rédacteur: Audrey Hesseling
    Audrey Hesseling
  • 29 août
  • 4 min de lecture

La violence : ce n’est pas seulement ce qui se voit : Quand on parle de violence, en générale on pensent immédiatement aux coups, aux cris, aux insultes flagrantes. Pourtant, la violence ne commence pas là. Elle se construit bien avant, souvent dans l’ombre, dans des gestes ou des attitudes que l’on minimise, voire que l’on banalise au quotidien.


🌸 D’où vient la violence ?


La violence ne naît pas soudainement. Elle prend racine dans : l’éducation (certains ont grandi en croyant que “crier” ou “humilier” était une façon normale d’éduquer), la société (qui valorise parfois la domination, le sarcasme, la compétition), les blessures personnelles (frustrations, traumatismes non soignés, manque d’outils émotionnels), le manque de conscience émotionnelle (ne pas savoir identifier ou exprimer ses émotions autrement que par l’agressivité ou le mépris).


Ainsi, la violence visible (agression, coups, hurlements) n’est en réalité que la conséquence d’un long enchaînement de petites violences invisibles.


🌸 Les formes de violence ordinaire :


On les appelle “petites” ou "habituelles", mais elles n’ont rien de petit quand elles s’accumulent. Elles sapent l’estime de soi, détruisent la confiance, installent une insécurité affective profonde, amène des croyances limitantes, etc.... Voici quelques exemples :


  • Le manque d’écoute : ne pas prêter attention à ce que dit l’autre, couper la parole, ou répondre de façon mécanique.

  • Le rejet ou l’invalidation des émotions : refuser de reconnaître ce que l’autre ressent “Tu n’as pas de raison d’être triste”, “Arrête de dramatiser”, ce qui coupe la personne de son vécu émotionnel et l’amène à douter de sa propre sensibilité.

  • Le non-respect ou le déni des besoins : faire passer systématiquement ses propres priorités avant celles de l’autre, ignorer ses besoins affectifs, physiques ou psychologiques.

  • La minimisation : “Tu exagères”, “Ce n’est pas si grave”, “Tu fais toujours des histoires pour rien”. Ces phrases invalident les émotions de l’autre.

  • Le sarcasme et l’ironie blessante : sous couvert d’humour, on rabaisse, on ridiculise, parfois même en public.

  • Le non-respect des limites : insister quand l’autre a dit “non”, franchir des espaces intimes, chercher l’approbation en manipulant ou en faisant du chantage affectif.

  • Le dénigrement subtil : faire des comparaisons (“Lui au moins, il sait faire ça”), remettre systématiquement en doute les compétences ou les choix de l’autre.

  • L’humiliation voilée : reprocher un défaut ou une erreur devant d’autres personnes pour “donner une leçon”.


À cela s’ajoutent d’autres formes de violences ordinaires, souvent plus insidieuses encore :


  • Les généralisations : “Tu es toujours comme ça”, “Tu ne changes jamais”…

  • Les interprétations : attribuer à l’autre des intentions qu’il n’a pas exprimées.

  • Les étiquettes  : réduire une personne à un trait ou à une “faiblesse” supposée.

  • La pensée binaire : diviser le monde en opposés – Bien/Mal, Juste/Faux, Tort/Raison, Normal/Anormal – sans nuance ni ouverture.

  • Les mots qui coupent du présent : “Toujours”, “Jamais”, “Encore”, “Souvent”... qui enferment l’autre dans une répétition figée.

  • Les ordres et exigences : imposer sans dialogue ni respect du choix de l’autre.

  • Les remontrances, punitions et récompenses : conditionner l’amour, l’attention ou la valeur de l’autre à sa conformité aux attentes.


Obtenir ce que l’on veut par :

  • la menace

  • la culpabilisation

  • la honte

  • la peur

  • la manipulation

  • le chantage (y compris affectif)


Et enfin, une violence invisible mais très destructrice :

  • Le déni de responsabilité : refuser d’assumer ses actes, ses paroles, ou ses propres émotions, et les faire porter à l’autre.


Ces violences invisibles sont d’autant plus dangereuses qu’elles sont difficiles à nommer. On se dit souvent : “Je dois être trop sensible”, “C’est moi qui prends mal”, ou encore “Il/elle ne voulait pas me blesser”. Mais le fait qu’elles soient banalisées ne les rendent pas moins destructrices.


🌸 Les Violences Systémiques :


Elles ne se jouent pas seulement dans les interactions individuelles, mais dans des structures sociales qui créent et entretiennent des rapports de domination. Elles peuvent être visibles (discrimination ouverte) ou invisibles (stéréotypes, inégalités banalisées). Quelques exemples :


  • Racisme : associer une personne à des clichés liés à son origine, supposer son niveau d’éducation ou sa dangerosité, invisibiliser certaines cultures dans les médias ou les institutions.

  • Sexisme : considérer qu’une femme est “moins compétente” qu’un homme, sexualiser ses comportements, dévaloriser la paternité ou ridiculiser les hommes sensibles.

  • Âgisme : discriminer en fonction de l’âge “Tu es trop vieux pour comprendre”, “Tu es trop jeune pour décider”, nier la légitimité des plus jeunes ou des plus âgés à participer pleinement à la vie sociale et professionnelle.

  • Homophobie & transphobie : réduire une personne à son orientation sexuelle ou son identité de genre, invisibiliser ses droits, la tourner en dérision ou lui refuser un espace sûr pour exister.

  • Grossophobie : juger, ridiculiser ou culpabiliser une personne pour son poids, supposer qu’elle est “paresseuse” ou “malade”, invisibiliser les corps non normés dans la mode, les soins, la publicité.

  • Validisme : traiter les personnes en situation de handicap comme “moins capables”, ne pas prévoir d’accessibilité (dans les lieux, les services, la communication), parler à leur place.

  • Discriminations religieuses ou culturelles : réduire quelqu’un à sa pratique spirituelle, imposer des normes dominantes, refuser des droits ou des aménagements liés à ses croyances.

  • Etc...


Ces violences systémiques sont d’autant plus destructrices qu’elles ne s’exercent pas seulement dans un cadre privé : elles traversent les institutions (école, entreprise, politique, santé, médias) et participent à façonner un climat où l’exclusion et l’injustice se perpétuent.


🌸 Le lien avec les violences ordinaires :


Les violences ordinaires et les violences systémiques s’alimentent mutuellement. Une blague sexiste “pour rire” entre collègues, un commentaire raciste à table en famille, une remarque grossophobe banalisée à l’école : ce sont des violences ordinaires qui semblent anecdotiques, mais elles reflètent et renforcent des systèmes entiers de domination. Inversement, les structures systémiques (lois injustes, inégalités institutionnalisées, représentations médiatiques biaisées) créent un terreau qui rend normal ou acceptable ce type de micro-violences quotidiennes.


🌸 Pourquoi il est essentiel de les reconnaître :


Ignorer ces formes de violence, c’est permettre à un climat de maltraitance insidieuse de s’installer. Or, toute relation saine – qu’elle soit amoureuse, amicale, familiale ou professionnelle – repose sur trois piliers : le respect, l’écoute et l’empathie.


--> Reconnaître ces formes de violence, ce n’est pas être “trop sensible”, c’est poser des limites saines.

--> Les nommer, c’est se donner le droit de dire “non”.

--> Et les comprendre, c’est se donner une chance de construire des relations plus équilibrées, plus authentiques, plus respectueuses.


🌸 La violence ne commence pas avec un coup. Elle commence bien avant, là où le respect et l'écoute disparaît 🌸



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