L’adolescence difficile : un concept occidental lié à l’éducation et à l’âgisme
- Audrey Hesseling

- 1 août
- 3 min de lecture
Dans les sociétés occidentales, l’adolescence est souvent perçue comme une période tumultueuse, marquée par des conflits avec les parents, des crises identitaires, et une instabilité émotionnelle. Mais cette vision est-elle vraiment universelle ? Non. En réalité, ce que nous appelons "l’adolescence difficile" est largement façonné par notre culture, notre système éducatif rigide, et un culte de l’âge qui infantilise les jeunes tout en les tenant à l’écart des responsabilités du monde adulte. Dans d'autres cultures, le passage de l’enfance à l’âge adulte se fait souvent de manière beaucoup plus fluide, naturelle — et sans drame.
L’éducation occidentale : un contrôle plutôt qu’une autonomie
Dès le plus jeune âge, les enfants dans nos sociétés sont souvent élevés dans des environnements très contrôlés : écoles aux horaires stricts, emploi du temps chargé, peu d’autonomie, décisions prises pour eux plutôt que par eux. Ce manque de responsabilisation crée un décalage entre les attentes des adolescents (désir d’autonomie, de sens, d’utilité sociale) et ce qu’on leur permet réellement. Ce conflit est l’une des causes majeures des tensions adolescentes dans les sociétés modernes industrialisées.
L’âgisme : quand la jeunesse est mise à l’écart
L’âgisme, c’est aussi considérer les jeunes comme "pas encore prêts", "trop jeunes pour comprendre", ou "immatures par nature". On ne valorise pas leurs capacités, on les tient à distance des rôles sociaux significatifs, on les enferme dans une identité de "pré-adulte", sans place ni pouvoir réel. Résultat : frustration, colère, rébellion — autant de symptômes que nous avons fini par considérer comme "normaux" chez les adolescents, alors qu’ils sont surtout le fruit d’un contexte social précis.
Des sociétés sans adolescence difficile : exemples inspirants
Certaines cultures traditionnelles ne connaissent pas cette "crise" adolescente. Dans ces sociétés, le passage à l’âge adulte est souvent ritualisé, valorisé, et intégré à la vie collective. Voici quelques exemples parlants :
Les Inuits
Chez les Inuits, les enfants participent dès leur plus jeune âge aux activités de la communauté. Ils ne sont pas punis pour leurs erreurs mais guidés avec patience. Lorsqu’ils deviennent adolescents, il n’y a pas de rupture brutale : ils ont déjà appris à contribuer, à observer les adultes, à assumer des rôles. L’adolescence n’est pas une "transition floue", mais une suite logique.
Les Samburu du Kenya
Dans cette tribu semi-nomade, les garçons deviennent "moran" (guerriers) autour de 14 ans à travers un rituel d’initiation. Ils reçoivent alors un statut social valorisé, des responsabilités claires, et un rôle utile dans la communauté. Il n’y a pas de "rébellion" car leur énergie adolescente est canalisée vers des responsabilités et des rituels valorisés.
Les Kogi de Colombie
Chez les Kogi, société indigène des montagnes colombiennes, les jeunes sont considérés comme spirituellement importants. Ils sont accompagnés par des aînés dès l’enfance dans un processus d’apprentissage holistique, incluant la nature, les relations humaines, et la sagesse collective. Résultat : pas de conflits générationnels violents, pas de dévalorisation du jeune âge.
Et si nous changions notre regard ?
Ces exemples montrent que ce que nous appelons "adolescence difficile" n’est pas une fatalité biologique, mais un construit culturel. Dans les sociétés où l’enfant est valorisé, responsabilisé, et intégré tôt dans la vie collective, l’adolescence n’est pas vécue comme une crise, mais comme une transformation harmonieuse.
Changer notre regard sur les adolescents, leur faire confiance, leur offrir des rites de passage, plus de responsabilités, et moins de contrôle, pourrait transformer radicalement cette période de la vie. Et si, au lieu de "gérer" l’adolescence, on apprenait à l’accompagner ?




